jeudi 6 janvier 2011

Université Intégrale (3) Quel futur ?

Photo ci-dessus : Ervin Laszlo et Michel Saloff-Coste à l'Université Intégale

Sur le blog de l’Université Intégrale, Michel Saloff-Coste, son fondateur, propose un texte intitulé Bilan et réflexion sur le futur de l'Université Intégrale écrit en mars 2010. Après avoir fait référence au bilan des trois derrnière années, que nous avons publié dans notre dernier billet, il dresse quelques perspectives concernant le futur de l’Université Intégrale. En analysant le contexte social et culturel en France, il pointe ce qui fait la spécificité de l’Université Intégrale : « ...la remise en cause des modes de pensée mécanistes et la nécessaire émergence d’une nouvelle culture systémique et intégrale et donc d’une nouvelle civilisation basée sur nouvelle approche de la science, de l’art et de la spiritualité. »

De nombreux visionnaires comme Edgar Morin, Ervin Laszlo ou Thierry Gaudin, ont annoncé l’émergence nécessaire de cette « nouvelle civilisation » qui rencontre des résistances d’autant plus fortes qu’elle implique une transformation des modèles de pensée et des modes de sensibilité : passage d’une pensée mécaniste et positiviste, scientiste et matérialiste, à une vision systémique et intégrale, dynamique et évolutive. Michel Saloff Coste parle à ce propos d’une véritable « guerre épistémologique, sous-jacente à beaucoup de débats qui traversent tout le XXème siècle ».

Un des enjeux de cette guerre épistémologique est, selon l’auteur, la création d’un « développement durable intégral » qui allierait de manière systémique économie, social et écologie. L’Université Intégrale est une émanation du Club de Budapest qui a une légitimité historique en ce domaine car il a non seulement fait depuis 30 ans le diagnostic de la crise que nous traversons mais il a surtout " replacé cette analyse dans un contexte systémique et intégral."


Bilan et réflexion sur le futur de l'Université Intégrale. Michel Saloff-Coste
« ... La question essentielle qui se pose aujourd’hui est l’orientation générale de l’Université Intégrale ces prochaines années. C’est une question que j’ai été amené à aborder avec beaucoup d’entre vous lors de multiples occasions, et sous des angles différents. J’aimerais ici structurer l’ensemble du travail effectué dans ce domaine afin de pouvoir clarifier le débat et que nous puissions l’enrichir en intelligence collective. Le document de synthèse sur les deux années passées se terminait par une ouverture sur le futur qui était une première tentative de clarifier un certain nombre de points déjà débattus :

« Le futur de l’Université Intégrale est aujourd’hui en débat. Différentes suites se dessinent, et leur réalisation dépendra des motivations des uns et des autres et des moyens que nous pourrons réunir pour le développement des projets.

Une piste en cours d’exploration consiste à développer des ateliers et des séminaires de mise en pratique permettant la réappropriation de l’approche intégrale dans la vie au quotidien.
. »

Ces cinq pistes ne sont pas exclusives les unes des autres. Elles sont, bien au contraire, complémentaires mais chacune d’elles est très ambitieuse et demande la constitution d’une équipe plus particulièrement intéressée à l’approfondir. Il serait intéressant de connaître les affinités des uns et des autres et le degré d’engagement possible de chacun.


Un ensemble de thématiques
Par ailleurs, un ensemble de thématiques apparaissent plus ou moins incontournables, et appellent un approfondissement. J’en ai fait une liste qui peut servir de base à nos réflexions et qu’il faudrait ordonner :

1) Santé et bien-être intégral - 2) Echange, économie et monnaies - 3) Entreprises et organisations intégrales - 4) Conseil et coaching intégral - 5) Science, art et spiritualité intégrale - 6) Peuples premiers et vision intégrale - 7) Le Kosmos dans une vision intégrale et les possibles vies extra-terrestres et supra-humaines - 8) Les technologies intégrales - 9) Les jeux intégraux - 10) Urbanisme, architecture et décoration intégrale - 11) Le cinéma intégral - 12) Le roman intégral - 13) La famille intégrale - 14) La relation à l’autre, le couple, la sexualité intégrale - 15) La mode et l’habillement intégral - 16) La politique intégrale - 17) Le yoga, la méditation et le développement personnel intégral - 18) Histoire, évolution et systèmes de valeurs d’un point de vue intégral
Cette liste est non exhaustive et il est intéressant de la compléter même s’il est évident qu’il va nous falloir des années pour traiter tous ces sujets. Par ailleurs, un certain nombre des journées inaugurales sont par nature susceptibles d’être reconduites tous les ans ou tous les deux ans : la première journée sur l’approche intégrale en général peut donner lieu chaque année à une journée d’introduction pour les néophytes par exemple. Cela est vrai aussi pour la thématique « Comment intégrer l’approche intégrale ? ». Les quatre autres thématiques, l’éducation, la crise, le développement durable, et les civilisations du futur, pourraient donner lieu à des actualisations périodiques, par exemple tous les deux ans.

Il serait aussi intéressant de consacrer des journées entières à l’approfondissement d’un auteur, d’un concept ou par exemple d’un lieu qui a marqué particulièrement le développement de l’approche intégrale.

L’approche intégrale étant par définition transdisciplinaire, les thématiques à traiter foisonnent. Il est d’autant plus nécessaire, compte tenu de nos ressources et notre temps limité, de définir un axe de recherche central qui nous permette, au-delà du zapping culturel (nécessaire pour explorer les différentes facettes de la problématique intégrale), de nous concentrer sur quelques sujets où nous serions susceptibles d’apporter des éclairages nouveaux.


Le développement durable intégral
Une proposition serait d’approfondir la problématique plus particulière du « développement durable intégral ». Plusieurs considérations nous font converger vers cette idée particulière. Historiquement, le diagnostic effectué par le Club de Rome et répété et approfondi à plusieurs reprises dans les différents livres d’Ervin Laszlo amène de manière impérative la problématique du développement durable. Les enjeux de développement durable sont devenus en quelques années des sujets incontournables largement partagés par la société civile.

Répéter sans cesse le diagnostic de la catastrophe annoncée n’est pas d’une grande valeur ajoutée. Par contre, le « développement durable » tel qu’il est aujourd’hui envisagé, par les entreprises, les politiques, et la plupart des ONGs, est une vision relativement superficielle, et participe bien souvent d’une tentative de greenwashing alimentant une nouvelle pensée unique, unidimensionnelle et factice.
Approfondir la thématique du développement durable intégral nous permettrait d’attirer l’attention sur ce qui est peut-être la véritable valeur ajoutée du Club de Budapest et de l’Université Intégrale : la remise en cause des modes de pensée mécanistes et la nécessaire émergence d’une nouvelle culture systémique et intégrale et donc d’une nouvelle civilisation basée sur nouvelle approche de la science, de l’art et de la spiritualité.


Les forces en présence
Cela m’amène à partager avec vous quelques réflexions sur l’actualité de ces deux dernières années. Il faut bien mesurer les forces en présence. Une grande majorité de citoyens, y compris au plus haut niveau de décisions, restent enfermés dans le déni de la crise systémique, économique, sociale et écologique à laquelle nous sommes confrontés. Ils sont convaincus que le système actuel pourra se perpétrer moyennant quelques adaptations à la marge. Le rapport Stern notamment est une tentative remarquable pour adapter le système existant au défi actuel.

Une minorité, au contraire, est aujourd’hui pleinement convaincue de la nécessité d’une transformation en profondeur et d’un changement de paradigme. Edgar Morin, Joseph Stiglitz, Ervin Laszlo, Thierry Gaudin, sont de bons exemples de personnalités qui font ce diagnostic. Cependant, il faut bien constater qu’ils sont en général difficilement compris par la majorité et, d’une certaine manière, rejetés et marginalisés.

Beaucoup d’énergie est investie dans ce débat qui met en scène toutes les formes de résistance au changement et les combats sous-jacents plus profonds qui sont essentiellement épistémologiques : passage d’un mode de pensée mécaniste et scientiste à un mode de pensée systémique et intégral. Cette guerre épistémologique est sous-jacente à beaucoup de débats qui traversent tout le XXème siècle. Nous sommes déjà en 2010, et si la crise a jeté de l’huile sur le feu de ce débat, les clivages restent plus que jamais présents.


La « nouvelle civilisation »
Dans ce contexte, il est intéressant d’analyser les différentes propositions politiques en termes de développement durable : la droite reste attachée à la relance par l’économie, la gauche à la relance keynésienne par le social, et Europe Ecologie met l’emphase sur différentes mesures spécifiquement écologiques.
Tous sont enfermés dans une vision mécaniste et partielle du problème, et n’arrivent justement pas à penser un véritable développement durable qui allierait de manière systémique économie, social et écologie. Dans une grande mesure, cela est dû à leur enracinement historique et monolithique dans une vision unidimensionnelle et archaïque pour la droite de l’économie, pour la gauche du social, et pour les écologistes de l’écologie.

Europe-Ecologie, à travers les discours qu’ils ont tenus à l’arche de la Défense le samedi 13 février 2010 est le parti qui sans aucun doute analyse le plus en profondeur la crise actuelle. Voir dans ce domaine l’analyse économique et sociale de l’ancien président de la Banque Mondiale et Prix Nobel, Joseph Stiglitz. Mes analyses convergent avec son analyse. Cependant, même s’il y a un appel incantatoire à la construction d’une nouvelle civilisation sur de nouvelles bases, cette nouvelle civilisation et ces nouvelles bases restent encore mal dessinées et apparaissent peu dans les propositions d’Europe-Ecologie en tant que parti politique.

Tant qu’une vision claire, opérationnelle et pragmatique de la « nouvelle civilisation » appelée de tous leurs vœux par Edgar Morin, Ervin Laszlo et Thierry Gaudin n’est pas explicitée, il me semble que nous continuerons à perdre beaucoup d’énergie dans des combats d’arrière-garde qui, finalement, précipitent dans le désespoir la plus grande partie de l’humanité qui a, surtout, le sentiment que son avenir s’obscurcit, toujours un peu plus.


Une légitimité historique
Construire une vision détaillée de la civilisation du futur et de ce qu’est un développement durable véritablement intégral me semble être la mission tout à fait particulière à laquelle nous devons nous atteler. Le Club de Budapest au niveau mondial a une légitimité historique dans ce domaine car il est la seule ONG au niveau international à avoir depuis 30 ans, non seulement fait le diagnostic de manière remarquable de la crise que nous traversons, mais surtout d’avoir replacé cette analyse dans un contexte systémique et intégral, ce qui est tout à fait particulier et unique.

La psychologie a montré (Elisabeth Kübler-Ross) que face à n’importe quelle annonce qui nous bouleverse, nous traversons tous quatre phases : 1) Le déni, 2) L’acceptation, 3) L’exploration, 4) La reconstruction. Beaucoup d’énergie est toujours perdue dans la phase intermédiaire entre déni et acceptation. Le combat intérieur est parfois tellement fort qu’il consume toute l’énergie vitale et rend impossible la renaissance. C’est le danger de cette phase intermédiaire.

La force d’une vision positive et constructive est ce qui permet aux individus et aux groupes de traverser plus facilement cette transition. Il me semble essentiel aujourd’hui de construire des briques susceptibles de redonner l’espoir à l’humanité. »
Une deuxième piste consiste à approfondir les thématiques de recherche fondamentale pour apporter des éclairages nouveaux sur certains aspects théoriques.

Une troisième piste vise à tisser des liens avec les autres centres de recherche et d’enseignement utilisant l’approche intégrale dans le monde.

Une quatrième piste pose la question de l’accessibilité et de la diffusion de l’approche intégrale à un plus grand nombre.
Une cinquième piste consiste en un travail de comparaison (benchmarking) des meilleures pratiques au niveau international de l’approche intégrale et systémique appliquée au développement durable

1 commentaire:

  1. Peut-être serait-il bon quand même de prendre du recul par rapport à cette idée de développement durable, pour bien voir aussi les logiques de gouvernement qu'elle contient (et notamment les logiques de gouvernement du changement total, pour reprendre le titre du dernier livre de Yannick Rumpala).

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