samedi 8 octobre 2011

Université Intégrale (11) Une Economie des Profondeurs (fin)




Le danger, ce n'est pas ce qu'on ignore, c'est ce que l'on tient pour certain et qui ne l'est pas. Mark Twain

Dans notre dernier billet dont celui-ci constitue la suite, nous présentions le contexte culturel permettant l’émergence d’une nouvelle forme de pensée économique qui s’émancipe de cette idéologie dominante qu'est "l’économisme" pour envisager une « économie des profondeurs » capable de décrire les interactions entre les économies psychique, symbolique et monétaire.

Nous présentons ci-dessous les conférences de Patrick Viveret, Bernard Lietaer et Michel Saloff-Coste qui se sont déroulées lors de la treizième session de l’Université Intégrale et qui apparaissent comme autant d’illustrations de cette « économie des profondeurs ».

La Résilience face à la Crise Financière. Patrick Viveret




Patrick Viveret : construire la résilience face à la crise financière from UNIVERSITE INTEGRALE on Vimeo.


Patrick Viveret analyse les crises financières comme des crises de foi et de confiance vis-à-vis d’un modèle capitaliste dont le rôle historique se termine, et comme autant de signes annonciateurs de la fin d’un cycle : celui des temps modernes. Il observe les dynamiques régénératrices qui s’expriment à travers de nombreux phénomènes économiques et monétaires, culturels et spirituels. Ces dynamiques évolutives pourraient permettre à l’humanité de sortir de ce cycle par le haut en évitant la menace d’une régression généralisée que fait courir l’écroulement de références et d’habitudes séculaires.

La conférence de Patrick Viveret est lumineuse et son discours habité par une vision à la fois savante et inspirée qui ouvre des perspectives enthousiasmantes. A voir absolument pour tous ceux qui s’interrogent sur le sens des crises que nous vivons et sur la possibilité que nous avons de les surmonter en participant, ensemble et séparément, à la dynamique créatrice de l’évolution.

Philosophe, essayiste, ancien conseiller référendaire à la Cour des Comptes, Patrick Viveret est l’auteur de nombreux livres dont Pourquoi ça ne va pas plus mal (2005), Pour un nouvel imaginaire politique (collectif 2006), Comment vivre en temps de crise (avec Edgar Morin, 2010), De la convivialité, dialogues sur la société conviviale à venir (collectif 2011). Il est nommé par Guy Hascoët (secrétaire d’Etat à l’économie solidaire) de diriger la mission « nouveaux facteurs de richesse » (2001-2004) qui aboutira au rapport « Reconsidérer la richesse »

Patrick Viveret est à l'origine de la Monnaie complémentaire Sol, dont trois expérimentations (au Nord-Pas-de-Calais, en Île-de-France et en Bretagne) ont été lancées en mars 2006. Il est aussi le co-fondateur des rencontres internationales « Dialogues en Humanité ». Nous avons présenté ici ses réflexions sur la sobriété heureuse.

Au Coeur de la Monnaie. Bernard Lietaer




Bernard Lietaer : au cœur de la monnaie from UNIVERSITE INTEGRALE on Vimeo.


Dans les deux billets consacrés à une vision intégrale de la monnaie nous avions présenté quelques éléments concernant les recherches menées par Bernard Lietaer. La monnaie représente pour lui une projection de l’inconscient collectif des sociétés. Il utilise les concepts de la psychologie collective élaborés par Jung pour interpréter le rôle des archétypes qui structurent cet inconscient collectif à travers des séquences d’émotions et d’actions pouvant être observés à travers le temps et les cultures.

Lié à l’abondance matérielle, à la sexualité, à la fertilité et à la monnaie, l’archétype de la Déesse Mère, dominant dans les sociétés primitives, représente la matrice primordiale d’où émerge la puissance vitale et l’abondance à travers laquelle se manifeste cette puissance originelle. Le mot monnaie vient d’ailleurs de Juno Moneta, une représentation grecque de la déesse mère dans le temple de laquelle était frappé la monnaie.

Cet archétype de la Déesse Mère a été réprimé durant plusieurs millénaires par un imaginaire patriarcal, fondé sur la domination et la séparation, qui s’est imposé à travers les croyances, la religion et les modes d’organisation. Cette répression fait que nous sommes hantés par les ombres de la Déesse Mère que sont la cupidité et la pénurie, l’ombre étant la manifestation d’un archétype quand il est réprimé.

Les temps sont venus de se libérer du monopole de cet imaginaire patriarcal qui menace aujourd’hui notre survie, pour inventer de nouvelles formes économiques, monétaires et culturelles intégrant les éléments yin/féminin et yang/masculin. Qu’elle soit capitaliste ou communiste, l’économie yang est fondée sur un monopole monétaire avec un taux d’intérêt positif qui implique tout un système fondé sur la compétition, la rareté de la monnaie, le capital financier et les transactions commerciales.

De nos jours émerge une économie Yin à travers lequel s’exprime l’archétype de la Déesse Mère. Cette économie coopérative développe un capital social et se manifeste notamment à travers des transactions communautaires et une diversité de monnaies complémentaires. Fondamentalement la monnaie représente de l’information. L’ère post-industrielle dans laquelle nous entrons est celui d’une société de l’information dont il faut utiliser les outils dans un projet d’intégration des polarités yin et yang.

Bernard Lietaer a derrière lui trente ans d'expériences professionnelles : haut fonctionnaire de banque centrale, président du système de paiement électronique de Belgique, et directeur général de fonds monétaires ; consultant auprès de firmes multinationales, mais aussi de pays en développement ; professeur de finance internationale à l'Université de Louvain, avant de devenir le plus haut dirigeant en charge des services d'organisation et d'informatique de la Banque Centrale de Belgique. Son premier projet, en cette fonction, a été la conception et l'implantation de l'ECU, le système de convergence vers la monnaie unique européenne.

Il a aidé des pays en développement d'Amérique latine à améliorer la solidité de leurs monnaies. Il est l'auteur de Au Cœur de la Monnaie et « Monnaies Régionales : De nouvelles voies vers une prospérité durable ». Plus d'informations sur ses travaux sont disponibles ici sur son site. A lire ici la recension de son ouvrage : Au cœur de la monnaie. Un reportage de France Info consacré hier aux monnaies complémentaires est illustré par un entretien avec Bernard Lietaer.

Michel Saloff-Coste. Les Monnaies ont-elles une âme ?




Michel Saloff-Coste : les monnaies ont-elles une âme ? from UNIVERSITE INTEGRALE on Vimeo.


Initiateur de l’Université Intégrale, Michel Saloff-Coste tire les conclusions de cette session dédiée à la monnaie et aux indicateurs de richesses. Il considère que l’humanité vit aujourd’hui un carrefour historique et stratégique singulier. Soit nous nous laissons happer dans des stratégies régressives qui s’avèrent suicidaires. Soit nous mobilisons les extraordinaires facultés créatrices de l’être humain pour inventer une voie nouvelle.

Ce changement de civilisation se fera par un changement de regard, notamment sur l’économie et la monnaie, et ce changement de regard passe par l’émergence d’une nouvelle épistémologie. C’est pourquoi les débats qui se sont déroulés lors de cette session lui apparaissent fondamentaux dans la mesure où ils sont les prémisses d’une nouvelle vision économique fondée sur une perspective transdisciplinaire et intégrale. De telles approches novatrices redonnent à la monnaie une âme qui lui avait été volée par une science économique fondée sur le paradigme réductionniste et abstrait d’une modernité marchande et industrielle.

Redonner une âme à la monnaie c’est tout simplement faire le constat évident que la valeur monétaire est toujours le reflet des valeurs collectives autour desquelles les êtres humains font société. A société matérialiste, monnaie matérialiste, à société spirituelle, monnaie spirituelle. Une économie intégrale prendra en compte les divers niveaux de l'échange monétaire qui traduisent sur le plan quantitatif les différents types de relations qualitatives que l’être humain entretient avec les milieux – sociaux et naturels, culturels et spirituels – dans lesquels il évolue.

Co-fondateur du Club de Budapest France, Michel Saloff-Coste est chercheur, peintre, consultant. Auteur de nombreux livres dont « Le management du 3e millénaire » (2008), « Trouver son génie » (2005) et « Le dirigeant du 3e millénaire » (2006). Nous avons présenté ici un entretien avec Michel Saloff-Coste : Au-delà de la crise, penser la « nouvelle civilisation ».

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