mardi 28 juin 2011

Tables des Matières (2) Une Philosophie du Tout




Chaque billet du Journal Intégral est une pièce d’un puzzle qui dessine, entre intuitions créatrices et réflexions critiques, la vision intégrale d’un homme réunifié dans un monde réenchanté. Les résumés des articles présentés dans cette Table des Matières permettront aux lecteurs de reconstituer ce puzzle en allant se référer à telle ou telle pièce afin de mieux comprendre et intégrer toutes les autres.Table des Matières 1 Du 4 Janvier au 8 Mars 2010

Table des Matières 2Du 28 Mars au 8 Juin 2010

28/03/10 - Ken Wilber, Philosophe du Tout (1)
Ken Wilber a débuté sa carrière en explorant les liens entre psychologie et traditions spirituelles orientales, et en intégrant de manière audacieuse ces perspectives différentes dans un « spectre de la conscience », véritable cartographie du développement psychologique et spirituel de l’être humain, depuis la naissance jusqu’à l’illumination. Il a par la suite développé une théorie intégrale qui synthétise diverses idées émises par des penseurs visionnaires de l’évolution comme Hegel, Sri Aurobindo ou Jean Gebser. L’intérêt de cette théorie intégrale tient à sa dimension synthétique qui permet de structurer et de configurer la complexité du savoir humain en une organisation à la fois cohérente et pratique. Quel autre philosophe pourrait rassembler aussi aisément l’essentiel de la religion, de l’art, de la morale, de l’économie, de la psychologie et des sciences majeures en une théorie unique ?


29/03/10 - Ken Wilber, Philosophe du Tout (2)
Suite de l’article précédent. Introduite en 1995 dans Sex, Ecology, Spirituality, une des principales intuitions de Wilber, celles des Quatre Quadrants, illustre de manière exemplaire son modèle d’intégration. Wilber a élaboré sa théorie des Quatre Quadrants à partir des perspectives réelles qui sont celles à travers lesquelles nous percevons le monde autour de nous - JE : la première personne, TU : la seconde et IL : la troisième... Le modèle des Quatre Quadrants est peut-être l’idée la plus célèbre de Wilber. Et non sans raisons. Il suggère que presque tout peut être observé à partir de ces quatre perspectives fondamentales : la perspective intérieure et extérieure de l'individu d’une part et de l’autre la perspective intérieure et extérieure du collectif. »


01/04/10 - Ken Wilber, Philosophe du Tout (3)
Suite et fin de deux billets précédents. Une des grandes originalités de Wilber est l’intégration de l’éveil spirituel au contexte culturel actuel qui est le fruit des trois derniers siècles de pensée philosophique. La spiritualité du troisième millénaire doit transcender et inclure à la fois les plus ardentes critiques de la religion, de Voltaire à Kant en passant par Foucault et la pensée post-moderne. Wilber encourage tous les penseurs spirituels contemporains à reconnaître ce qui est en jeu : l’évolution ou l’inadaptation. Selon lui : « Pour survivre dans le monde présent et futur, la spiritualité est et doit être post-métaphysique. » Nous devons aborder les sagesses et les révélations traditionnelles en les délestant d’une métaphysique dépassée, largement liée à la pensée mythique, tout en préservant leurs extraordinaires contributions à la connaissance de la nature humaine et des états supérieurs de conscience.


07/04/10 - Les Concepts de la Théorie Intégrale
Auteur de Ken Wilber : la pensée comme passion, Franck Visser propose une présentation synthétique des principaux concepts de la théorie intégrale sur le site Intégral World dont il est le fondateur. Cette présentation donne au lecteur francophone des éléments d'information pour mieux comprendre certains concepts théoriques auxquels se réfère parfois Le Journal Intégral. Ces concepts sont les suivants : Les Vingt Principes - L’erreur Pré-Trans - Les Cinq Phases - Les Quatre Quadrants - Philosophie intégrale - Le Spectre de la Conscience - Politique Intégrale - Involution et évolution - Les trois types de science – Holons – Kosmos - Postmodernité.


13/04/10 - Citations Inspirées
Une citation inspirée est un cristal de vérité qui révèle et résume en quelques mots une intuition fondamentale inscrite au plus profond de nous. Ces phrases clés ouvrent les portes de l’essentiel en nous faisant entrevoir les lois et les principes qui régissent la vie, l’homme et l’esprit. Par delà leurs auteurs, les cultures et les époques, ces citations se répondent les unes, les autres, en harmonie avec une sagesse immémoriale, inhérente à l’humanité.


20/04/10 - Ecologie et Société (1) Le lien homéotélique
Pensée de la totalité, la vision intégrale se nourrit, entre autre, de l’observation de la dynamique associative et symbiotique qui préside à l’organisation de la nature et de l’univers. Ceci explique pourquoi certains concepts inspirés par l’organisation du vivant comme l’homéotélie peuvent été utilisés dans le cadre de la théorie intégrale. L’homéotélie est un néologisme crée par le théoricien de l’écologie Teddy Goldsmith à partir des mots grecques homoios, le même, et telos, le but, la finalité. Ce mot exprime le lien de coopération entre la partie et la totalité à laquelle elle participe. La partie agit dans le sens du maintien de l’ensemble à laquelle elle appartient, ensemble qui, de manière rétroactive, permet la cohésion, l’interaction et l’intégration des diverses parties qui le constituent.


25/04/10 - Ecologie et Société (2) L'homéotélie sociale
Fondamentalement, l’écologie est une culture du Vivant fondée sur la sensibilité homéotélique entre la partie et le tout. Le lien homéotélique qui unit l’être humain à son milieu biotique est celui-là même qui l’unit à la collectivité à laquelle il participe. En déconstruisant les pièges et les illusions du réductionnisme dominant, l’individu retrouve cet instinct vital qui le lie intimement à la communauté du vivant qui est à la fois naturelle et humaine. Inspiré par cette solidarité, l’individu homéotélique tend à agir, de manière spontanée et organique, dans le sens du bien commun. Tel est le cas des peuples vernaculaires dont la culture traditionnelle était imprégnée d’une connaissance immémoriale : celle de l’économie du vivant.

28/04/10 - Ecologie et société (3) Translation et Transformation.

Dans son analyse de l’évolution humaine, Ken Wilber distingue deux types de dynamique : les translations horizontales et les transformations verticales. Les translations horizontales sont des changements opérant dans un niveau évolutif donné alors que les transformations verticales génèrent un changement qualitatif avec l’accès à un stade plus évolué c'est-à-dire plus complexe et intégré. La translation horizontale, est un processus de reconfiguration qui permet d’adapter un niveau d’organisation - celui d’un stade évolutif particulier - aux changements du contexte global dont il fait partie. Dans la transformation verticale, par contre, le champ de référence se métamorphose et évolue vers un niveau supérieur d’organisation. Ces concepts de transformation et de translation sont essentiels pour penser et définir les stratégies du changement culturel et social.

01/05/10 - Ecologie et société (4) L’Evolution Culturelle
A partir des recherches en sciences humaines, un certain nombre de penseurs du développement humain estiment que la culture, comme la conscience individuelle, évolue à travers des stades spécifiques et selon un ordre hiérarchique qui et celui d’une complexité et d’une intégration croissantes. En 1953, Jean Gebser proposait un modèle de l’évolution culturelle fondé sur les stades suivants : archaïque-instinctif, magique-égocentrique, mythique-traditionnel, mental-rationnel, intégral. A partir d’autres formulations, on retrouve ces stades dans le modèle de la Spirale Dynamique de Carl Graves comme dans celui de Wilber qui distingue deux niveaux dans le stade évolutif que Gebser qualifie d'intégral : le stade pluraliste post-moderne et le stade intégral proprement dit.


03/04/10 - Ecologie et société (5) Grandeur et décadence de la modernité
Dans l’esprit des Lumières, la raison devait être une faculté de jugement et la science un instrument de connaissance au service du progrès moral de l’homme, de son émancipation vis-à-vis des dogmes obscurantistes et de sa libération des servitudes matérielles. Quand elle n’a plus été pondérée par l’intuition holiste de la tradition, la modernité dégénère en une culture de domination fondée sur l’hégémonie de la raison instrumentale. Les élites bourgeoises se laissèrent envoûter par le pouvoir de la technique en confondant peu à peu la connaissance scientifique et ses applications technologiques comme elle confondit ces applications avec les profits qu’elles pouvaient générer. Au lieu de les libérer, le monde de la technique, son réductionnisme et son utilitarisme de plus en plus envahissants, ont peu à peu asservis la pensée et la créativité humaine.

13/05/10 - Ecologie et Société (6) Le Cœur et la Raison

On ne saisit que les aspects superficiels de la contre culture des années soixante si on ne comprend pas la dynamique de l’évolution culturelle dont elle est l’expression. Ce mouvement apparaît d’une part comme le rejet d’une culture abstraite devenue hégémonique et, de l’autre, comme la revendication, plus ou moins consciente, d’une autre épistémologie, de type relationnelle qui fut notamment celle de la tradition pré-moderne. De l’association entre ces deux formes épistémologiques, l’une rationnelle et l’autre relationnelle va peu à peu émerger une épistémologie intégrale où l’intuition relativise la raison pour la mettre au service du courant indivisible et irréductible de la vie qui est aussi celui de l’esprit.


17/05/10 - Le Sage et l'Erudit (1) Une spiritualité post-métaphysique
Ce billet est le premier d’une série de cinq qui, sous le titre Le Sage et l’Erudit, est la traduction française inédite d’un long entretien entre Andrew Cohen et Ken Wilber paru dans le numéro de Juin 2006 du magazine américain EnlightenmentNext où les deux protagonistes abordent les principaux thèmes développés par Ken Wilber dans son nouvel ouvrage : Integral Spirituality.
Dans ce premier entretien concernant le concept de « spiritualité post-métaphysique », Wilber revient sur la façon dont la post-modernité a déconstruit la métaphysique traditionnelle en contestant le « mythe du donné », cette croyance que le monde tel qu’il apparaît dans notre conscience - tel qu’il nous est donné - est fondamentalement réel. Or le relativisme et la déconstruction post-modernes montrent que nos perceptions comme nos représentations - ce que nous appelons réel ou ce que nous pensons être donné - sont avant tout des constructions sociales et culturelles. En bouleversant la métaphysique traditionnelle, la pensée post-moderne ouvre sur une spiritualité "post-métaphysique" et non-duelle pour laquelle la dynamique de l'évolution est l'expression immanente de l'Esprit transcendant.

19/05/10 – Ecologie et Société (7) L'évolution épistémologique
Pour les théoriciens de l’évolution culturelle, la culture évolue à travers des stades de complexité croissante qui définissent autant de visions du monde inspirant les formes de la vie sociale. La dynamique de l’évolution culturelle ne peut être comprise sans faire référence à l’évolution épistémologique qui en est à la fois la cause et la conséquence. Une entreprise de généalogie culturelle ne peut donc faire l’économie d’une réflexion sur l’évolution épistémologique, c'est-à-dire sur les diverses stratégies cognitives utilisées par l’humanité au cours de son évolution pour interpréter son expérience. Dans ce billet, nous analyserons les trois principaux stades de l’évolution épistémologique : relationnel, rationnel et intégral.


25/05/10 – Le Sage et l'Erudit (2) Etats de conscience et stades de développement
Cette seconde partie de l’entretien entre Andrew Cohen et Ken Wilber concerne une clé fondamentale pour interpréter la nature de nos expériences spirituelles : la distinction entre états de conscience et stades de développement. La compréhension des stades de développement est la première pièce du puzzle. Les structures de la conscience sont impliquées dans la création des réalités qu’elles perçoivent à travers diverses visions du monde correspondant à des stades de développement qualifiés d’archaïques, magiques, mythiques, rationnels, pluralistes et intégraux. La compréhension des états de conscience est la deuxième pièce du puzzle. Parmi les états de conscience, qui sont temporaires, on distingue l’éveil (grossier), le rêve (subtil), le sommeil profond (causal), le Témoin et le Non Duel. L’expérience vécue dans un état de conscience est interprétée à partir du stade de développement où nous nous trouvons. La Matrice Wilber-Combs est une représentation graphique innovante des relations subtiles et complexes entre états de conscience et stades de développement.

29/05/10 - Le Sage et l'Erudit (3) Le Tapis Roulant
Dans cette troisième partie de l’entretien entre Andrew Cohen et Ken Wilber, ce dernier utilise l’image du tapis roulant pour exprimer le rôle que peut avoir la religion dans le monde moderne et post-moderne. Ce rôle, auquel elle n’a pas encore pensé, est de conduire les individus vers les stades supérieurs d’évolution. Elle les recueille aux stades archaïque, magique et mythique, et peut les aider à cheminer vers les stades rationnel, pluraliste et intégral. Ce serait une démarche radicale et révolutionnaire si elle adoptait cette façon de voir les choses. Pour ce faire, les leaders religieux eux-mêmes doivent évoluer au moins jusqu’aux niveaux rationnels et pluralistes, voire même intégraux, en interprétant leur propres traditions avec plus de profondeur. Il faudrait qu’ils aient au moins une perspective géocentrique, de façon à mesurer combien ce saut évolutif est absolument nécessaire pour permettre à soixante-dix de la population mondiale d’entrer dans le monde moderne et post-moderne.


02/06/10 - Le Sage et l'Erudit (4) Le Deuxième Visage de DieuDans cette quatrième partie de l’entretien entre Andrew Cohen et Ken Wilber, il est question de la façon dont l’Esprit peut être appréhendé selon une perspective à la première, à la deuxième ou à la troisième personne. L’Esprit à la première personne est le grand «JE SUIS », la pure subjectivité radicale ou la perspective du Témoin dans chaque être sensible. L’Esprit à la deuxième personne est le grand « TU », quelque chose d’incommensurablement plus grand que l’on ne puisse s’imaginer être un jour, devant lequel la seule réponse adaptée est l’abandon, la dévotion, la soumission, une impression rayonnante de libération et de gratitude. Et l’Esprit à la troisième personne est la grande Toile de la Vie, la Grande Perfection de tout ce qui est en train d’émerger et qui appartient au registre du « Cela ». Si ces trois perspectives sont toutes correctes, ce qui apparaît étonnant c’est qu’aucune tradition, occidentale ou orientale n’ait mis ensemble les perspectives de l’Esprit à la première, deuxième et troisième personnes.


08/06/10 - Le Sage et l'Erudit (5) L'Ombre
Le thème abordé dans cette cinquième et dernière partie de l’entretien entre Andrew Cohen et Ken Wilber est celui de l’Ombre. L’idée de l’ombre repose sur le fait qu’il existe des aspects de notre propre moi qui sont dynamiquement refoulés. L’ombre est ce que nous pouvons appeler le moi renié : nous avons tendance à nous dissocier avec les parties de nous-mêmes que nous refoulons et cette dissociation peut être à l’origine de problèmes psychiques et somatiques. Pour libérer notre conscience en retrouvant toute notre intégrité, nous devons nous approprier ces parties refoulées en les intégrant. Il faut donc apporter de la lumière dans les coins obscurs et cachés de notre moi avant de pouvoir transcender de façon authentique notre ego.

vendredi 24 juin 2011

KOSMOSE

A l'Aube des Temps de l'Aube
Quand la Source écoutait la Source
Quand l'Oeil regardait l'Oeil
Quand la Science Intérieure s'incarnait dans le silence
Quand l'Air était encore habité par la promesse du Souffle
Quand l'Unité donnait son nom à tout
Autre part n'existait pas encore
Les écritures dormaient dans la pierre sans avoir inventé les choses
Et la foudre contenait dans sa promesse le feu et l'effort
La différence ne rencontrait pas encore les esprits et la nudité était plénitude
Je m'appelais déjà l'Ultime
Déjà tu t'appelais infini
Et le rythme était vibration
Puis l'Instant prit alliance avec la Spirale du Temps
L’Homme naquit de cette spirale inscrite en son corps d'oubli
Le Silence devint Parole et l'Oeil devint Vision
La Matière devint Vie, la Vie, Conscience et la Conscience, Esprit.
La différence prit tout son temps pour oublier l’éternité afin de mieux la retrouver dans le Mystère
Seul souvenir des Origines : une Pierre de Mémoire sur laquelle sont gravés les mots cristallins de l’Alliance et le chemin d'âme vers le Pays du Grand Retour
A l'Aube des Temps de l'Aube


lundi 20 juin 2011

Incitations (2) Le Souffle de l'Inspiration

Se tenir droit dans son être et faire honneur à son souffle.
Le visible s’organise autour de l’invisible comme le corps autour du souffle qui l’anime.
Le poète se vit lui-même, intimement, comme une métaphore de son inspiration.
Qui parle de supplément d’âme ? Comme si l’âme était un supplément dans le menu de nos vies !... Alors que notre corps est le complément d’objet direct de ce Verbe qui nous fonde et nous constitue.
La respiration physique est l’écho symbolique d’un souffle métaphysique. Il est aussi inutile pour la conscience de chercher l’Esprit que pour un corps de chercher son souffle. L’Esprit est la condition même de la conscience comme le souffle est la condition même de notre vie.
Deux types d'écrivains. Celui qui cherche à avoir le dernier mot et celui qui participe poétiquement à la vibration première. Le premier est cet homme de lettre qui obtient les prix littéraires. Le second est cet homme de l'être au service de l'Esprit.
On devient marteau à force de penser dans les clous. Face à tous ces enterrés vivants, devenir un enchanté vibrant !...
Ne s'autoriser que de son inspiration. Etre l'auteur de sa vie c'est simplement vivre à la hauteur du souffle créateur qui nous anime.
Les scientifiques font des expériences in vivo ou in vitro. Le poète fait les siennes in vibro.
L’esprit a besoin du corps pour se manifester, la pensée, du langage pour s’exprimer et le langage, de l’écriture pour être archivé.
Le corps est l'archiviste et l'Esprit, l'architecte.
L'écriture fait écho à la voix, la voix au souffle et le souffle à l'inspiration.
La langue devient étrangère quand elle est en exil de sa patrie qu’est l’Inspiration.

vendredi 17 juin 2011

Jean Cocteau

Le poète se souvient de l'avenir.
L'avenir n'appartient à personne. Il n'y a pas de précurseurs, il n'existe que des retardataires.
Lorsqu’une œuvre semble en avance sur son époque, c’est simplement que son époque est en retard sur elle.
Les critiques jugent les œuvres et ne savent pas qu’ils sont jugés par elles.
Il faut faire aujourd’hui ce que tout le monde fera demain.






JEAN COCTEAU
envoyé par David_Reverchon. - Films courts et animations.

mardi 14 juin 2011

Grâce et Courage (2) L'exercice du Témoin



Dans cet extrait de Grâce et courage, Ken Wilber lit à sa femme Treya, souffrant d’un cancer du sein, l'exercice du Témoin qui peut se révéler très utile pour tous ceux qui, noyés dans le flux dissolvant du quotidien, cherchent à retrouver l'essentiel en répondant à la question : "Qui suis-je ?"


« Lis-moi l’exercice du Témoin dans No Boundary, s’il te plaît », me demanda Treya sur les coups de 18h. Il s’agissait d’un livre que j’avais écrit plusieurs années auparavant ; l’exercice du Témoin était un condensé de différentes méthodes que les grands mystiques du monde entier ont utilisé pour dépasser le corps et l’esprit et trouver en leur place le Témoin. J’avais adapté cette version-là de Roberto Assagioli, fondateur de la psychosynthèse, mais c’est une technique classique d’auto-investigation : l’investigation promordiale autour de la question : « Qui-suis-je ? » - rendu célèbre, peut-être, par Sri Ramana Maharshi.

« Douceur, lorsque je te fais la lecture, essaye de réaliser la portée chaque phrase aussi clairement que possible. »

"J’ai un corps, mais je ne suis pas mon corps. Je peux voir et sentir mon corps, et ce qui peut être vu et senti n’est pas Cela-qui-voit. Mon corps peut être fatigué ou excité, malade ou sain, lourd ou léger, anxieux ou bien calme, mais cela n’a rien à voir avec mon être intérieur, avec le Témoin. J’ai un corps, mais je ne suis pas mon corps.

J’ai des désirs, mais je ne suis pas mes désirs. Je peux connaître mes désirs, et ce qui peut être connu ne peut être Cela-qui-connaît. Les désirs viennent et puis s’en vont, flottent dans ma conscience, mais ils n’affectent pas mon être intérieur, le Témoin. J’ai des désirs, mais je ne suis pas mes désirs.

J’ai des émotions, mais je ne suis pas mes émotions. Je peux sentir, et ressentir, mes émotions, et ce qui peut être ressenti n’est pas Cela-qui-ressent. Les émotions me traversent, mais elles n’altèrent pas mon être profond, le Témoin. J’ai des émotions, mais je ne suis pas mes émotions.

J’ai des pensées, mais je ne suis pas mes pensées. Je peux voir et connaître mes pensées, et ce qui peut être connu n’est pas Cela-qui-connaît. Les pensées me parviennent, puis s’en vont, mais elles n’affectent pas mon être profond, le Témoin. J’ai des pensées, mais je ne suis pas mes pensées.

Maintenant, dis avec autant de conviction que possible : Je suis ce qui reste, un centre de conscience pure, le Témoin inchangé par toutes ces pensées, ces émotions, ces sentiments et ces sensations."

jeudi 9 juin 2011

Grâce et courage (1)

Spiritualité et guérison dans la vie et la mort de Treya Killam Wilber
Après avoir publié en 2009 le livre de Frank Visser : Ken Wilber. La pensée comme passion, les éditions Almora viennent de publier Grâce et courage, le livre par lequel Ken Wilber s’est fait connaître du grand public américain.

Traduit en dix sept langues, Grâce et courage est une des meilleures introductions à la pensée de Wilber : il y présente ses recherches dans le contexte d’un récit émouvant, celui de l’histoire d’amour vécue avec sa femme Treya, depuis leur rencontre jusqu’à la mort de celle-ci, cinq ans plus tard, des suites d’un cancer du sein qui fut détecté un mois seulement avant leur mariage.

Un livre à deux voix

Dans une Note au lecteur, l’auteur définit ainsi son projet : « Entretissées à la narration, se trouvent des explications sur les grandes traditions de sagesse (du christianisme, à l’hindouisme au bouddhisme), sur la nature de la méditation, sur la relation entre psychothérapie et spiritualité, et sur la nature de la santé et de la guérison. En effet, l’objet principal de ce livre est de fournir une introduction accessible à ces questions précisément. »

Cet ouvrage qui aurait pu s’intituler La vie, l’amour, la mort est un livre à « deux voix » où s’entremêlent des pages du journal intime que Treya a tenu durant ces années-là et les réflexions de Ken Wilber, nourries par sa profonde connaissance des traditions spirituelles. Chacune de ses deux voix rend compte de sa propre expérience : écologiste, artiste, chercheuse passionnée, Treya poursuit sa quête de guérison à travers de nombreuses approches thérapeutiques, tant conventionnelles qu'alternatives, tandis que Ken Wilber l’accompagne, suivant pas à pas ce chemin initiatique que peut devenir la maladie quand elle devient une véritable voie de développement spirituel permettant de grandir en sagesse et en conscience.

Ces deux voix font écho à une troisième, celle d’un amour vécu dans un contexte tragique qui met la relation à l’épreuve jusqu’à le transfigurer dans une dimension sacrée où la vie et la mort sont perçues comme deux expressions d’un même élan éternel.

Dans une excellente recension, La Lettre du Crocodile écrit ceci à propos de Grâce et Courage : « Il n’est pas possible de saisir toutes les dimensions de l’œuvre philosophique immense de Ken Wilber en faisant l’impasse sur ce livre saisissant, sur la manière dont l’un et l’autre, comme individus et comme couple, ont su franchir les frontières pour atteindre les rives de l’esprit infini. Si ce livre est une leçon de vie où courage et grâce s’inscrivent dans la douleur quotidienne pour nourrir la beauté de l’esprit, c’est aussi un enseignement traditionnel au cœur de la modernité. »

Le message de Treya

Dans son introduction, Ken Wilber revient sur les raisons pour lesquelles Grâce et courage fut accueilli avec autant d’enthousiasme. « A ce jour, j’ai reçu près d’un millier de lettres du monde entier dont une grande partie me disent à quel point l’histoire de Treya avait été éloquente pour eux et combien elle avait changé leur vie... L’histoire de Treya est l’histoire de nous tous. On peut se dire que Treya avait tout : intelligence, beauté, charme, intégrité, un mariage heureux, une famille formidable. Pourtant, comme chacun de nous, elle connaissait le doute, l’insécurité, l’autocritique et les incertitudes quant à sa valeur et à son but dans la vie… sans parler d’une bataille violente avec une maladie mortelle. Mais Treya s’est battu vaillamment avec toutes ces ombres… et elle a gagné, dans tous les sens du terme. L’histoire de Treya nous parle à tous, car elle a affronté ces cauchemars avec courage, dignité et grâce.

Et elle nous a laissé ses journaux intimes, qui nous racontent exactement comment elle a accompli cela. Comment elle utilisa la pleine conscience méditative pour supporter la douleur et ainsi dissiper son emprise sur elle. Comment, au lieu de se renfermer et de se laisser envahir par l’amertume et la colère, elle accueillit le monde dans son cœur avec tendresse et amour. Comment elle fit face au cancer avec une « équanimité passionnée ». Comment elle se débarrassa de tout apitoiement sur son sort et choisit de continuer dans la joie. Comment elle se libéra de la peur, non pas en la chassant, mais en l’accueillant tout entière, immédiatement, même lorsqu’il devint évident qu’elle allait bientôt mourir :
« Je vais prendre la peur et l’amener dans mon cœur. Pour rencontrer la douleur et la peur avec ouverture, pour les étreindre et leur permettre d’exister. Prendre conscience de cela invite un regard émerveillé sur la vie. Qui réjouit mon cœur et nourrit mon âme. Je ressens une telle joie. Je n’essaye pas de “battre” ma maladie ; je me laisse être en elle, je lui pardonne. Je vais continuer, sans colère ni amertume, mais avec détermination et joie. »

Une inspiratrice

Et c’est ce qu’elle a fait, en accueillant à la fois la vie et la mort avec une détermination et une joie qui l’emportèrent sur leurs fastidieuses terreurs. Si Treya a pu le faire, nous pouvons le faire : c’est le message de ce livre, et c’est pour me dire cela que les gens m’écrivent. Comment son histoire les a amenés à se souvenir de ce qui compte vraiment. Comment sa tentative d’équilibrer en elle le masculin/le faire et le féminin/l’être les interpelle dans leurs aspirations les plus profondes dans le monde d’aujourd’hui. Comment son remarquable courage les a inspirés — des hommes comme des femmes — à avancer avec leur propre souffrance insupportable. Comment son exemple les a aidés à surmonter les heures sombres de leurs propres cauchemars. Comment l’“équanimité passionnée” les a installés directement dans l’Être. Et pourquoi tous ont compris que ce livre, en dernière lecture, a une fin profondément heureuse.

(De nombreuses personnes qui m’écrivent sont des personnes de soutien, des proches de malades, ceux qui souffrent doublement : de voir un être aimé souffrir, et de ne pas se sentir autorisé à avoir leurs propres problèmes. Grâce et Courage parle aussi pour eux j’espère.)

Treya et moi avons été ensemble pendant cinq ans. Ces années sont gravées dans mon âme. Je crois sincèrement avoir tenu ma promesse, et je crois sincèrement que je le dois à sa grâce. Et je crois que chacun d’entre nous peut rencontrer Treya à nouveau, à chaque fois que nous le souhaitons, en agissant avec honnêteté, intégrité, et courage - car c’est là que demeurent le cœur et l’âme de Treya. Si Treya à pu le faire, nous pouvons le faire. C’est le message de Grâce et Courage.
»

Un philosophe visionnaire

Dans la Note du traducteur, Kevin Dancelme évoque l’importance de ce livre dans le cheminement intellectuel et spirituel de son auteur : « Ken Wilber, reconnu mondialement comme l’un des philosophes les plus importants de sa génération, apparaît ici dans toute son humanité, à travers ses zones d’ombre et de lumière, son humour décapant, sa vulnérabilité et son honnêteté. En cela, Grâce et Courage est un livre complémentaire à tous les autres livres de Ken Wilber.

À la suite des évènements narrés dans ce livre, il passera trois ans d’ermitage, principalement seul et en silence, dans sa maison, à écrire son essai le plus important, celui qui véritablement formulera sa “philosophie intégrale”,
Sex, Ecology, Spirituality. Mais déjà dans Grâce et Courage (et dans ses livres précédents), Wilber propose une vision cohérente et consistante d’un Kosmos où dialoguent science et mysticisme, spiritualité et psychologie.

Au cours de cette traduction, je suis allé rencontré Ken Wilber à Denver, au Colorado. J’ai rencontré un homme étonnement accessible et humble. Et, bien qu’il se soit toujours présenté comme un pandit et non un guru, un chercheur et non un maître spirituel, j’ai reconnu en lui, au-delà du philosophe passionné et visionnaire que j’admirais déjà, une sorte de sage, un guide pour notre temps. Car au final, tous ses livres pointent vers la même chose : une vie consciente, intégrale, enracinée autant dans une compréhension vaste et claire de notre expérience humaine que dans une présence méditative ancrée dans la compassion...

Je suis honoré de contribuer à rendre accessible ce livre rare aux lecteurs et lectrices francophones. Je me réjouis de l’enthousiasme et de l’engagement des éditions Almora à faire connaître l’oeuvre et la pensée de Ken Wilber, un des philosophes les plus importants de notre époque, et un homme remarquable.
»

Des retardataires
Espérons que les éditions Almora, comme d’autres éditeurs, mettront prochainement à disposition des lecteurs francophones la traduction française des livres les plus récents et les plus importants de Ken Wilber - notamment Sex, Ecology, Spirituality - ainsi que d’autres auteurs de la culture intégrale comme Steeve Mc Intosh.
Le fait que Grâce et courage soit déjà traduit dans 17 langues avant de l’être en français montre à quel point, du fait de sa tradition abstraite et analytique, la culture française est en très en retard par rapport à un mouvement culturel reconnu ailleurs comme une avancée majeure de la pensée contemporaine.
N’oublions pas ce bel aphorisme de Jean Cocteau : « Les critiques jugent les oeuvres et ne savent pas qu'ils sont jugés par elles. » Ce qui est sûr c’est que l’œuvre de Wilber juge d'ores et déjà avec sévérité une culture hexagonale devenue incapable d'embrasser le vaste mouvement évolutif d'où émerge une nouvelle "vision du monde" !... Cocteau, toujours lui, nous avait pourtant prévenus : "Il n'y a pas de précurseurs, il n'existe que des retardataires"

samedi 4 juin 2011

Le Printemps du Nouveau Monde (3)

Nos rêves ne rentrent pas dans leurs urnes. Les indignés
Voilà qu’un ami lecteur du Journal Intégral me traite, non sans humour, de « devin » parce que j’aurai anticipé le mouvement des Indignés qui touche l’Espagne, la Grèce et d’autres pays européens dont la France, en écrivant, début Avril, deux billets intitulés Le Printemps du Nouveau Monde.

A cet ami lecteur, je répondrai par cette phrase de Joseph de Maistre : « Ne croyez pas que je sois prophète, je suis tout simplement un homme qui tire les conséquences naturelles des faits qu’il voit. » Et ce que je vois – notamment grâce aux lunettes théoriques d’une vision intégrale – ce sont mille et un signes d’une mutation profonde des mentalités qui s’exprime à travers quantité d’initiatives novatrices.

Si, début Avril, j’ai effectivement parlé d’un Printemps du Nouveau Monde en anticipant les évènements qui se produisent actuellement, c’est parce que j’étais surpris par l'extraordinaire synchronicité entre des initiatives diverses et multiples qui se déroulaient ce printemps et qui, toutes, allaient dans le sens d’une refondation du lien social et du vivre-ensemble dans le contexte d'une crise systémique de civilisation. Manifestement quelque chose se passait : un même courant, à la fois intense et subtil, vibrait dans l’air du temps et s'exprimait à travers de nombreux phénomènes.
Et si les « devins » n’étaient pas – tout simplement – des individus dont l’intuition et la sensibilité participent de manière intime aux mouvements profonds de la conscience collective, eux-mêmes dictés par la dynamique de l’évolution ? Les évènements leur apparaissent tout naturellement comme une manifestation de cette dynamique évolutive qu'ils perçoivent au plus profond d'eux comme un élan à la fois vital et créateur. Dans ses Lettres à un jeune poète, Rainer Maria Rilke écrit justement : " Le futur est en nous bien avant qu'il n'arrive."

Le sens de l’histoire

La perspective intégrale est évolutionniste. Pour elle, l’histoire humaine a un sens et ce sens s’inscrit dans la continuité d’une évolution qui, à travers une lente montée en complexité durant des milliards d’années, a cheminé de la matière à la vie et de la vie à la conscience. L’histoire humaine peut donc s’interpréter comme l’expression d’une dynamique évolutive qui se manifeste au cours du temps à travers une série de formes – sociales, culturelles, cognitives – de plus en plus en plus complexes et intégrées.
Ce qui faisait dire à Hegel que l'histoire est la manifestation de l'Esprit. Cette conception est celle des penseurs évolutionnistes, de Teilhard de Chardin à Ken Wilber en passant par Sri Aurobindo et Jean Gebser, pour lesquels l'histoire est l'expression immanente d'un Esprit transcendant qui se dévoile progressivement à travers le développement de la conscience dans le temps.

Le sens de l’histoire est donc à la fois orientation et signification, voie et vision. Le flux diachronique de la temporalité détermine l’organisation synchronique des médiations culturelles. Ces médiations permettent de faire société en définissant les rapports symboliques entre le monde de l’intention – l’intériorité – et celui de la perception – l’extériorité. A chaque nouveau stade évolutif, l’intersubjectivité s’exprime à travers des médiations culturelles de plus en plus complexes et intégrés. C’est pourquoi le passage à une nouvelle étape du développement historique détermine toujours une nouvelle « vision du monde ».

Ce sont des avant-gardes « évolutionnaires », inspirées par l’Esprit du temps, qui révèlent les formes de pensée, de sensibilité et de lien social à travers lesquelles s’exprime cette nouvelle « vision du monde ». En tant que dynamique évolutive, le mouvement de l'histoire est cette création de l'homme par l'homme, animée par le souffle d'un idéal qui l'inspire et le libère des anciens modèles devenus limitations insoutenables par le jeu négatif de l'entropie et par celui, positif, du développement. Et c'est pourquoi Hegel dit de l’Histoire Universelle qu’elle est le progrès dans la conscience de la liberté.

Je m’étonne que l’on puisse encore s’étonner de l’émergence d’un mouvement comme celui des Indignés qui ne fait somme toute qu’interpréter l’air du temps correspondant au nouveau stade évolutif abordé par une partie de l’humanité. Un air du temps auquel sont sourds les tenants du pouvoir institutionnel, emprisonnés qu’ils sont dans un modèle complètement dépassé, devenu inadapté, auquel ils s’accrochent comme les naufragés à leur radeau.

Une mystérieuse synchronicité

Pour justifier son propos, mon ami lecteur a extrait quelques citations tirées des billets du Journal Intégral du 8 et du 13 Avril qui apparaissent effectivement prémonitoires au vu des mouvements actuels qui mobilisent la jeunesse européenne.

Vendredi 8 Avril. Le Printemps du Nouveau Monde (1)

" C'est le printemps !... Une saison durant laquelle auront lieu, telle une floraison inespérée, une série d’évènements et de rencontres qui, toutes, visent à une refondation du lien social sur la base d’une vision à la fois éthique, culturelle, spirituelle. Regardez, écoutez, sentez : dans le mystère des aurores, un nouveau monde est en train d’éclore...

Un regard superficiel verrait dans cette efflorescence printanière un pur hasard ou une simple coïncidence. Un regard plus profond percevrait cette synchronicité comme l’expression systémique d’un nouvel air du temps qui pourrait s’exprimer de la manière suivante : on ne pourra remettre l’homme au cœur de nos sociétés défigurées par l’individualisme et l’utilitarisme, le machinisme et le productivisme, sans retrouver au cœur de notre humanité les dimensions fondamentales du sens, de l’éthique et de la solidarité
."

Mercredi 13 Avril. Le Printemps du Nouveau Monde (2)

« Si des personnalités visionnaires et des minorités créatrices sont les acteurs et les vecteurs de l’évolution sociale et culturelle c’est que leur intuition et leur créativité traduisent la dynamique évolutive à travers des formes nouvelles de sensibilité et de pensée. Ce n’est donc pas un hasard de les voir participer, mus par une mystérieuse synchronicité, à cet immense chantier qui est celui d’une refondation du lien social et du monde commun.

La même sève créatrice s’exprime à travers la diversité de ces initiatives printanières : autant de notes singulières de ce nouvel air du temps dont les acteurs de l’évolution sont les interprètes. Derrière la singularité de leur expression, ces acteurs doivent prendre conscience qu’ils jouent tous la même pièce en participant ensemble à un profond courant de régénération dans lequel se reconnaissent des couches de plus en larges de la population, notamment parmi les jeunes générations...

Ouvrons les yeux et les cœurs, tendons nos oreilles et nos antennes intuitives pour être à l’écoute de ce nouvel « air du temps » qui enchante le printemps. Pendant que les médias occupe les esprits et les distrait de l'essentiel en surfant de manière sensationnelle et émotionnelle à la surface des évènements, un nouveau monde est en train de s'esquisser, de manière discrète, presque secrète. Ce monde ressemble à notre futur si nous avons la force, l’inspiration et le courage de l’imaginer ensemble sans céder aux sirènes morbides de la haine et du désespoir.
»
Une insurrection des consciences
Le mouvement de contestation qui traverse l’Europe s’enracine notamment dans le malaise et mal-être d’une jeunesse qui possède un haut niveau de formation mais qui se sent privé d’avenir et d’expression dans le système politique et économique actuel. Les nouvelles générations ne se reconnaissent pas dans ces sociétés où une oligarchie financière née de la mondialisation impose ses intérêts au détriment de la population en général et des plus fragiles en particulier.

Ceux qui participent à cette mobilisation en Espagne réclament la mise en place d’un système plus égalitaire avec moins de chômage pour les uns et de privilèges pour les autres, une modification de la loi électorale favorisant l’émergence de nouveaux partis qui fassent écho à leur préoccupation et l’intensification de la lutte contre la corruption au profit de la transparence.

Au-delà d’un programme de revendications factuelles propre à toute mobilisation, cette véritable insurrection des consciences fait écho aux révolutions tunisiennes et égyptiennes tout en suscitant des résonances dans nombre de pays européens. Parce qu'elle est diachronique, la perspective évolutionniste permet une lecture à la fois synchronique, systémique et symbolique de ces évènements.

Une intelligence connective

Si, en Europe, les acteurs de ce mouvement se nomment eux-mêmes Les Indignés, c’est en référence au livre de Stéphane Essel : Indignez-vous ! Face à la crise systémique qui touche les sociétés occidentales, face aux réactions populistes et régressives qu'elle suscite, Stéphane Essel rappelle dans cet ouvrage les valeurs fondamentales à défendre et promouvoir, notamment celles proclamées par le Conseil national de la résistance, dans son programme de 1944 comme celles exprimées dans la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948.

Cette référence à la dignité et aux valeurs fondatrices de la démocratie illustre la dynamique profonde qui anime ce mouvement, celle d’une révolution éthique qui refuse la réduction de l’être humain au statut de marchandise. Les slogans des Indignés expriment toutes ce refus : « Nous avons des valeurs, pas des intérêts. Nous avons besoin d’une révolution éthique. Vous ne nous représentez pas. Nous ne sommes pas contre le système, le système est contre nous. Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiques et des banquiers. Si vous ne nous laisser pas rêver, nous ne vous laisserons pas dormir. Prends la place. Ce que nous vivons, ce n’est pas une crise, c’est une escroquerie ! Ce n’est pas un indice de bonne santé que d’être bien adapté à une société malade. »

Ce n’est pas un hasard si ce mouvement s'inspire d’une culture participative propre aux réseaux sociaux dont elle est issue. La « société fluide » de l’information et de l’interconnexion est à l’origine de cette culture participative qui fonde un nouveau lien social à partir de l’intelligence collective et de l’intersubjectivité. Si le mouvement des Indignés demande de ne pas arborer les signes d’une appartenance partisane, syndicale ou associative, c'est pour faciliter la dynamique d'une « intelligence connective » où chaque subjectivité participe d’un collectif en évolution.
Une refondation démocratique
Le mouvement des Indignés participe d'une refondation démocratique née du refus de voir des organisations dicter les lois abstraites d'une hiérarchie souvent sclérosée, parfois corrompue. C'est à la dynamique intersubjective de l'intelligence connective de promouvoir une organisation qui évolue sans cesse pour s'adapter à un contexte en perpétuel transformation. Les Indignés se réclament d’une démocratie participative qui équilibrent les nécessaires médiations politiques par l’élaboration collective et créative au sein d’un réseau intersubjectif.

Au cœur de cette véritable "culture connective" se trouve donc la reconnaissance d’une intersubjectivité qui s'exprime et se reconnaît à travers une éthique c'est à dire un monde des valeurs communes. Paradoxalement, les technologies de l'interconnexion font surgir tout naturellement une relation intersubjective et un éthos communautaire qui furent au coeur des sagesses traditionnelles.

Le monde de l’éthique comme celui de la connectivité sont des mondes du Commun où le Je participe intimement et intuitivement d’un Nous qui le transcende et lui donne sens. Le mouvement des indignés, comme celui du printemps arabe qui l’a précédé, sont les manifestations d’une nouveau lien social fondé sur une « connethique » où s’intègrent une éthique communautaire et une technologie de la connexion.

Participation et Représentation

Cette « connethique » ne peut se reconnaître dans la culture représentative qui fonde les partis traditionnels et qui renvoie à une modernité technocratique où prévaut la représentation abstraite. Alors que la culture participative s’inscrit dans une épistémologie relationnelle fondée sur l’implication de la subjectivité au sein d’un réseau intersubjectif, la culture représentative s’inscrit dans une épistémologie rationnelle fondée sur une visée abstraite qui prend ses distances avec le monde pour mieux l’expliquer.

A de nombreuses reprises, notamment ici, nous avons analysé ce changement de paradigme qui est celui du passage d’une représentation abstraite - liée à la modernité industrielle - à la participation concrète de la subjectivité aux divers milieux naturels, sociaux et culturels où elle évolue. Propre à la société interconnectée de l’information, cette participation de la subjectivité relève d’une intelligence sensible et créatrice. Elle s’inscrit dans une épistémologie intégrative qui dépasse et inclut l’épistémologie abstraite et distinctive de la modernité.

Prisonnier de leur modèle abstrait, nombre d'observateurs réduisent à un simple mouvement social et à des revendications générationnelles ce qui relève d’une évolution éthique et culturelle inspirée par l’émergence d’une nouvelle « vision du monde ». Comme Mai 68 exprimait une revendication libertaire dans une société corseté, le mouvement des Indignés exprime l'exigence éthique d'un monde commun dans une société déchirée. Hier un souffle de liberté, aujourd'hui un besoin vital de solidarité.
Parce que les nouvelles générations ne peuvent absolument pas se reconnaître dans des formes abstraites devenues obsolètes et inadaptées, le mouvement des Indignés manifeste une dynamique de régénération que l’on retrouve à travers de nombreuses initiatives et qui ne s'identifie pas à tel ou tel phénomène. Rien ne pourra arrêter cette dynamique puisqu'elle est cette histoire en marche dont chaque pas crée l'évènement c'est à dire une autre manière d'interpréter notre expérience.

S’il existe un Printemps du Nouveau Monde c’est bien celui d’une nouvelle forme de conscience en train d’éclore. Dans le billet du 8 Avril, j’écrivais ceci : « Une intuition encore plus profonde distinguerait dans ce nouvel air du temps l’émergence d’une nouvelle « vision du monde » annoncée depuis plusieurs décennies par nombre de penseurs inspirés. Fondé sur les notions de relation et d'évolution, un paradigme intégral est amené à dépasser – tout en l’incluant – l’ancien paradigme réductionniste de la modernité fondé sur la distinction et l’abstraction... Selon le niveau de complexité et de profondeur à travers lequel il interprète les phénomènes sociaux et culturels, chacun donc verra dans cette efflorescence printanière, un hasard, un nouvel air du temps ou l’émergence d’une nouvelle "vision du monde". »