vendredi 21 février 2014

L'Approche Intégrale de Ken Wilber


La souffrance disparaît lorsque l'on réalise que les parties ne sont qu'illusions et que nous sommes depuis toujours un tout. Ken Wilber 


Nous vous proposons ci-dessous un article où Jacques Ferber résume de manière à la fois simple et synthétique l’approche intégrale de Ken Wilber. Ce texte évoque le contexte culturel dans lequel a pu émerger cette approche novatrice et il présente le modèle des Quatre Quadrants, un des éléments centraux de cette pensée visionnaire. Cet article est une bonne sensibilisation à cette nouvelle vision du monde pour tous ceux qui cherchent à s’y initier. 

Une démarche intégrative

Nous avons évoqué à plusieurs reprises la démarche intégrative de Jacques Ferber, créateur du site Développement Intégral qui, comme son nom l’indique, a pour thème le développement intégral (individuel, relationnel et social), mais aussi la relation existant entre sexualité et spiritualité, l’intégration du féminin et du masculin, l’approche intégrale de Ken Wilber et la Spirale Dynamique. Les lecteurs du Journal Intégral trouveront sur le site de Jacques Ferber des textes leur donnant des informations supplémentaires et complémentaires à celles qu’ils peuvent trouver sur ce blog. 

La démarche de Jacques Ferber est intégrative dans la mesure où ce professeurs d’université, spécialiste des sciences cognitives suit aussi depuis plus de 20 ans un chemin d’éveil spirituel qui l’a mené à se former au tantra, à l’analyse symbolique des rêves et des mythes, au yoga, à la méditation et à différentes traditions spirituelles. C’est ainsi qu’il peut éclairer les pratiques spirituelles par sa connaissance des sciences cognitives… et inversement. Depuis quelques années, il anime des stages de « Tantra intégral » et de développement de conscience dans la mouvance intégrale. 

Jacques Ferber est l’auteur du livre L’amant tantrique aux éditions du Souffle d’Or et le co-auteur de Le monde change… et nous ? aux éditions Chronique Sociale. Dans ce dernier ouvrage, après avoir présenté la pensée intégrale de Ken Wilber et la Spirale Dynamique initiée par Clare Graves, les auteurs nous expliquent comment interagir avec autrui en fonction des différents stades de développement, et comment participer ainsi à une évolution plus consciente. Dans l'article suivant, il fait une présentation synthétique de l'approche intégrale selon Ken Wilber.

L'approche intégrale de Ken Wilber. Jacques Ferber 

Une connaissance globale 

La vision intégrale fait référence à l'œuvre de Ken Wilber, penseur américain, encore très peu connu en France, bien qu'étant l'un des auteurs les plus traduits dans le monde. Wilber part d’une constatation : aujourd’hui, pratiquement tous les contenus de toutes les cultures nous sont disponibles. Cela signifie que la connaissance est maintenant globale et que l'ensemble des réflexions, concepts, savoirs, théories, expériences et philosophies de pratiquement toutes les civilisations (prémodernes, modernes ou postmodernes) nous sont maintenant accessibles. 

A partir de cette considération, que se passe-t-il si l’on cherche à comprendre ce que toutes ces civilisations peuvent nous dire sur le potentiel humain ? Que trouve-t-on si l’on se met en quête des points essentiels du développement humain, fondé sur l’ensemble des cultures disponibles, des grandes traditions ? Qu’obtient-on si l’on tente de créer une carte aussi complète que possible, une carte intégrale qui inclue les systèmes de pensée les plus avancés, les sagesses les plus profonds, les expériences les plus pertinentes de toutes ces cultures

C’est ce qu’a fait Ken Wilber, en s’appuyant lui-même sur d’autres auteurs qui avaient commencé le travail avant lui : A. Maslow, J. Piaget, L. Kohlberg, C. Graves et D. Beck, Jean Gebser, Sri Aurobindo, Teilhard de Chardin, Plotin, Shankara, N. Elias, C. G. Jung et bien d’autres… 

Le Modèle AQAL 


Le principe consiste à assembler et à mettre en corrélation toutes les vérités que chaque culture prétend détenir. En mettant ensemble ces "vérités", on les considère comme partiellement vraies, c’est-à-dire vrais dans leur domaine de référence. Un peu comme la physique Newtonienne qui est vraie tant qu’on ne va pas trop vite ou qu’on ne va pas dans l’infiniment grand ou l’infiniment petit.

Ensuite on essaye d’assembler toutes ces vérités partielles en un système intégré en se posant toujours la question : quel est le cadre, le système général qui permette d’intégrer le plus grand nombre de ces idées en un tout cohérent ? Comment articuler au mieux les pièces de ce puzzle gigantesque ? Comment définir un "framework", un cadre conceptuel, une vision du monde qui incorporerait l'ensemble de ces vérités partielles et constituerait ainsi une compréhension générale et globale du monde? 

Le résultat de cette recherche résulte en un système, le “système intégral” que Wilber élabore, améliore et peaufine au travers de ses nombreux livres qui traitent aussi bien de psychologie, de spiritualité, de sociologie, d’histoire des idées que de théories de l’art, d’éthique ou de philosophie. De plus, il ne s’agit pas seulement d’une grande fresque théorique, mais aussi, et surtout depuis trois quatre ans, d’une base pratique pour le développement individuel et collectif, d’une plate-forme pour aider l’humanité dans son évolution. 

Ce système intégral, bien qu’apparemment très complexe, apparaît finalement comme étant à la fois relativement simple et très élégant. Il s’agit d’ailleurs peut être de la qualité essentielle de K. Wilber : savoir intégrer tout un ensemble de pensées en un cadre cohérent, pratique et relativement facile à appréhender, même s’il révèle, une fois qu’on le connaît mieux, des richesses fabuleuses, des profondeurs insoupçonnables. Tout le système intégral (qu'il appelle AQAL : All Quadrant, All level) tient en cinq notions fondamentales : les niveaux, les quadrants, les états, les lignes et les types, et surtout dans leur interconnexion, dans leur relation les uns aux autres. Les quadrants et les niveaux (states) constituent le cœur de son modèle. 

Les Quadrants 


Les quadrants constituent un ensemble de perspectives à partir desquelles on peut appréhender quelque chose, une situation, un système, un être et donc soi-même. Ces perspectives résultent du croisement de deux dimensions d'analyse: interne-externe d'une part, et individuel-collectif d'autre part. Lorsqu'on croise ces deux dimensions on obtient quatre perspectives qu'il nomme les quadrants. Ces quadrants sont les suivants : 

Le quadrant en haut à gauche présente la perspective individuelle/intérieure (I-I). C’est le lieu de la conscience, des états mentaux, du ressenti et de la subjectivité individuelle, et donc le domaine traditionnel de la psychologie. 

Le quadrant en haut à droite, le quadrant individuel/extérieur (I-E) correspond au point de vue extérieur que l’on peut avoir sur le monde. C’est le lieu de l’observation scientifique, de la compréhension des phénomènes, etc.. Pour résumer, c’est le point de vue du ‘cela’, de quelque chose que l’on perçoit à l’extérieur de soi-même, et donc de l’objectivité. C'est donc le domaine traditionnel des sciences dures, et, dans les sciences humaines de l'analyse du comportement. 

Le quadrant situé en bas à gauche, collectif/intérieur (C-I) est celui de l’intersubjectivité : c’est le domaine des idées, des modèles, des mentalités, de la culture. C’est le domaine d’étude de la psychologie sociale, de l’anthropologie culturelle, de l’histoire des idées, des “cultural studies” anglo-saxonnes. C’est le lieu où les intériorités sont partagées au sein de ce que nous avons appelé l’intersubjectivité. 

Le quatrième quadrant, porte sur le collectif/extérieur (C-E), c'est-à-dire sur les systèmes collectifs tels qu’ils sont appréhendés de l’extérieur. C’est le domaine de l’analyse économique et sociale, de l’étude des infrastructures sociales, des traces collectives (documents, bâtiments, zones, etc..), et donc le lieu de l'organisation collective. Les sciences économiques, une grande part de la sociologie et de l'ethnologie, la géographie travaillent plus spécifiquement sur ce quadrant.

Cette grille de lecture permet d’appréhender une situation ou un évènement selon des perspectives complémentaires : quels sont les faits et les comportements observés (quadrant I-E), comment cela est analysé, vécu et ressenti par une personne (quadrant I-I), quelle est l'organisation sociale qui sert de cadre à cette situation ou cet événement (quadrant C-E) et enfin quelles sont les représentations sociales, les mentalités qui sont présentes au niveau collectif (quadrant C-I). 

Une Illustration

Illustration du journal Eveil et Evolution

Prenons un exemple assez simple, le domaine de la maladie et de la santé. Dans le quadrant individuel intérieur (I-I) se trouve ce que ressent le patient : j’ai mal, j’ai peur, je suis fatigué etc. C’est la vision à la 1ère personne : comment cela m’affecte, qu’est ce que je ressens, est ce douloureux, et comment je vis avec cette maladie ? 

Le quadrant individuel extérieur, (I-E) correspond aux symptômes, aux causes, aux examens que l’on peut faire sur cette maladie, les remèdes possibles, etc. c’est-à-dire à la maladie envisagée depuis une perspective extérieure et “objective”

Le quadrant collectif-intérieur (C-I), en bas à gauche, correspond à la représentation que la société a de cette maladie : par exemple, une maladie, comme la peste jadis ou comme le Sida plus récemment, peut être vécue comme une punition que Dieu avait lancé contre les humains parce qu’ils péchaient et s’écartaient du chemin de Dieu. A l’époque moderne, triomphe de la médecine scientifique, la maladie est vue comme un dysfonctionnement organique que l’on peut analyser à partir de la physiologie du corps humain et que l’on peut soigner comme on répare une voiture, en prescrivant des pharmacopées testées pour leur efficacité cliniques.

Avec le développement des médecines alternatives, certains voient la maladie comme un symptôme de causes psychiques, qu’il convient de lire et d’accueillir afin de comprendre ce que notre inconscient tente de nous dire au travers de cette maladie. On voit là qu’il s’agit de trois regards différents sur la maladie, issues de trois cultures différentes. Ces trois visions correspondent à des courants culturels différents, à des manières spécifiques d’appréhender le monde.

Le quadrant collectif-extérieur C-E correspond à l’ensemble des structures sociales et économiques qui sont développées pour soigner : les hôpitaux, les dispensaires, mais aussi le conseil de l’ordre des médecins, les CHU, le systèmes des études permettant de devenir “soignant”, etc.. 

Les Niveaux 


Au cours de son existence, un individu ou un système collectif évolue et passe par différentes stades de développement, lesquels sont identifiables et se présentent dans un ordre déterminé. Par exemple, sur le plan du développement cognitif, J. Piaget a montré que l'enfant passe successivement par une succession de stades allant du sensori-moteur, au formel, en passant par le pré-opératoire et l'opératoire. 

Chaque stade correspond à une augmentation des capacités cognitives qui prend en compte plus d'éléments, dans un processus de type “transcende et inclut”, ce qui signifie que le niveau suivant inclut le niveau précédent. Mais ce qui est vrai du cognitif l'est aussi du sens moral, des capacités relationnelles, de nos critères esthétiques, des valeurs dans notre vie, c'est-à-dire de tout un ensemble de caractéristiques ou d'intelligences, pour reprendre le terme d'Howard Gardner, que Wilber appelle les lignes de développement

Le long de chacune de ces lignes, notre rapport au monde, aux êtres et aux situations progresse et pas nécessairement de manière uniforme. Par exemple, on peut très bien être très développé le long de la ligne cognitive et être moins avancé le long de la ligne relationnelle par exemple. Nos capacités cognitives peuvent être très développées, mais pas notre aspect relationnel ni notre sens moral. 

En d'autre terme notre conscience évolue, et elle se développe en prenant en compte des aspects de plus en plus larges du monde qui nous entoure. On passe ainsi par une série de stades: fusionnel, ego-centrique, ethnocentrique, géocentrique (ou mondocentrique), etc. qui constituent à chaque fois un élargissement de notre perspective, une révolution copernicienne dans laquelle, à chaque fois, nous quittons le centre d'un univers que nous croyons conçu autour de nous, à notre mesure. Cet aspect de la pensée intégrale est très proche de la Spirale Dynamique.

Les autres aspects. Le modèle AQAL de Wilber comprend aussi un ensemble d'autres éléments: les types, ainsi que la différence entre état stabilisé à un certain stade et état temporaires ou “peak experience”.

Une cartographie intégrale 

On trouvera ci-dessous un carte intégrale qui synthétise un certain nombre d'informations contenues dans l'article ci-dessus de Jacque Ferber. Cette carte présente les Quadrants, les niveaux et les lignes de développement, les états de conscience et les types. Pour mieux en saisir toute la complexité, on peut se référer aux divers articles consacrés à se sujet aussi bien dans Le Journal Intégral que sur le site Développement Intégral.


Ressources 

Sur Ken Wilber dans Le Journal Intégral

Ken Wilber, philosophe du Tout  (plusieurs billets)

Le Sage et l'Erudit (Un dialogue entre Andrew Cohen et Ken Wilber. Plusieurs billets.

Les Concepts de la Théorie Intégrale

Les Trois Yeux de la Connaissance ( Trois billets)

Pour les autres billets voir le libellé Ken Wilber avec 28 références.

Sur Jacques Ferber dans Le Journal Intégral 

Développement Intégral  (plusieurs billets)
 
Formation au Tantra Intégral

Le Monde change ... et nous ? (plusieurs billets) 

Une ère Nouvelle 

Site Développement Intégral 

vendredi 14 février 2014

Ce Jour-Là


Partout où il y a joie, il y a création : plus riche est la création, plus profonde est la joie. Henri Bergson 


Heureusement, un jour l’immensité jugera ceux qui ne sont pas à sa hauteur 

Ceux qui ne sont pas les auteurs de leur vie 

Ceux qui ont confié à la mort le pouvoir de se reconnaître

Ce jour-là, l’abîme s’ouvrira sous les pieds des certitudes et les anciennes pensées, affolées, erreront dans la tête de ceux qui ne sont plus rien, faute d’avoir voulu être tout

Ce jour-là, de nouvelles visions enchanteront le monde et les yeux innocents sauront les reconnaître comme des territoires à explorer

Un rythme interne et souverain bouleversera les habitudes qui se retourneront contre elles-mêmes dans la folie ordinaire de la résignation

Ce rythme sera le messager d’une architectonique chiffrée qui accordera ceux qui se ressemblent à la même vibration

Ce jour-là, le chant des prophètes s’incarnera dans une figure nouvelle, reconnue par ceux qui ont dans le cœur la clé ultime de l’intention

A la fois unique et multiple, subtile et formelle, visible et indivisible, cette figure est celle de la non-dualité

Ce jour-là, j’irais vers toi sans honte, comme on va vers son destin

Sans peur, guidé par la mémoire du temps, j’irais vers mon destin comme on va au-delà de soi-même

La rigueur de l’effort conduit à la vigueur d’une force vibrale qui transcende l'espace et le temps

Ce jour-là, j’oublierai tout ce que je sais pour oser l’immensité

Mes mots deviendront les codes analogiques du Grand Jeu

Ils parleront le langage originel du Mystère

Et la Force vibrera en eux d’une énergie infinie

Ce jour-là les Poètes retrouveront leur mot à dire et les mots retrouveront la source dont ils sont issus

Ce jour-là j’oserai tout perdre parce que je saurai comment me retrouver dans l’élan infini de l’Esprit


Alors, les mains ouvertes aux rayons du Kosmos, je deviendrais celui que j’ai toujours été

Cet enfant créateur qui participe dans chacune de ses cellules au rythme secret d’un organisme multidimensionnel qui l’anime et le guide

Dans mes mains fleurira un nouveau langage au parfum indicible

Les morts riront de se voir disparaître en sachant que cette disparition n’est qu’une apparence

Ce jour-là, étonné, je deviendrais l’enfant des métamorphoses, puisant dans la radicalité du désir la force d’imaginer un nouveau monde

Nous nous retrouverons, portés par la même vague, surfant sur le même souffle, emportés par la même aimantation

Tous, nous dirons la même chose parce qu’il n’y a qu’une seule chose à dire, celle qui relie les membres d’une conspiration réunis par une inspiration commune

Parce que, tous ensembles, nous oserons l’innocence, abandonnant les impasses narcissiques de l’égo et les mirages abstraits de la différence, l’état lyrique sera notre miel quotidien

La vibration nous accompagnera de son rythme créateur dans chacun de nos actes et chacune de nos pensées

Alors, ce jour-là je me retournerai vers celui que j’ai été pour lui dire le secret du monde en le libérant de son errance

La Poésie est une présence. Celle de l’esprit créateur qui accorde l’intensité de l’être, l’intention créatrice et l’attention de la conscience

Alors, plus rien d’autre n’aura d’importance que de reconnaître dans cette présence la force qui nous réunit

La Vie aura conquis un nouveau territoire et tu pourras déposer les armes du mental aux pieds de l’âme qui le transcende d’une manière fondamentale

Tu pourras déposer tes larmes comme le poids du passé

L’Esprit t’adoubera alors comme son chevalier

Et tu partiras, animé par ta Vision, sur la voie du Secret où l’infime participe à la glorieuse victoire de l’infini

vendredi 7 février 2014

Incitations (5) Un Mystère Irréductible


L’imagination est plus importante que le savoir. Albert Einstein


Sous formes d’aphorismes ou de fragments, ces incitations sont des citations inspirées à l’auteur par l’esprit du temps pour l’inciter, avec ses lecteurs, à la méditation, à la réflexion... et à l’action. 

La modernité tardive n’est rien d’autre que la fascination des apparences et la haine du mystère où elles s’originent. 

Et pourtant, la vérité est enfouie sous ce tremblement de taire qu’est le mystère. 

Parce qu’il échappe toujours à toute définition, le mystère est irréductible. 

L’ego a si peur de l’inconnu qu’il n’a de cesse de donner au mystère le visage familier du hasard. 

Ne laisse aucune chance au hasard, cet autre nom de l’ignorance. 

La Poésie est cette trace en nous de l’indicible qui refuse d’être réduit aux limites de notre ignorance. 

La tragédie de l’homme moderne consiste à vouloir expliquer l’ineffable et à mesurer l’infini. 

Le monde moderne est apoétique : rivé aux apparences comme une chèvre à son piquet. 

La vraie misère est celle des vies sans mystère où l’on cherche à l’extérieur de soi la richesse qui est à l’intérieur. 

Le savant cherche à prouver, le poète à éprouver. 

Il faut avoir fait ses preuves avant d’éprouver et de comprendre le langage commun de l'énergie qui s'exprime à travers sensations et émotions, intuitions et inspirations.

Le savant analyse les apparences que le poète transfigure.

Si le poète transfigure la réalité, c’est pour l’accorder au Réel dont elle est la manifestation. 

L’intuition est à l’œuvre et la pensée au travail.

Là où la pensée applique des mécanismes, l’intuition participe à un organisme. 

Un monde où la raison domine l’intuition est un monde où la machine aliène la vie. 

Un scientifique qui donne des leçons sur la spiritualité est aussi crédible qu’un curé qui en donne sur la sexualité. 

Comme le moine perçoit toute femme comme une tentatrice dont il se protège par la prière, le savant perçoit tout mystère comme une tentation dont il se protège par une équation. 


Il n’est qu’une manière d’honorer la technique, c’est la remettre à sa place, au service de la raison qui l’a conçue. Il n’est qu’une manière d’honorer la raison, c’est la remettre à sa place, au service de l’Esprit qui la transcende.

La pensée abstraite trahit toujours l’immensité. 

Etre inspiré c’est retrouver en soi l’intensité du souffle au service de l’immensité. 

Le temps est une mesure. La durée, une intuition. 

Le langage de l’intuition est celui de l’intensité. 

L’intensité est irréductible à toute explication. 

Tout faire pour ne rien faire qui soit déconnecté de l’Esprit. 

Le désir se nourrit de mystère, le mystère de distance et la distance de respect. 

L’esprit est ce maître de sagesse et la sagesse cette maîtresse de maison qui, l’un et l’autre, nous apprennent à habiter notre vie comme un espace de création. 

Accorder en soi l’immensité de l’espace et l’intensité de la durée. 

Le bonheur n’est ni dans le pré, ni dans le présent mais dans une présence inspirée qui transcende l’espace-temps. 

L’aphorisme doit être est le point inaugural d’une réflexion. Un point c’est Tout. 

L’intuition utilise la concision comme un tremplin pour élever la pensée. 

Le sentiment de finitude est la trace laissée dans notre humanité par une finalité qui la transcende. 

L’activisme est bien souvent le masque de l’inertie : tout faire pour éviter l’essentiel. 

L’imagination au pouvoir c’est toujours l’imagination au service du pouvoir. 

Le pouvoir de l’imagination est subversion de tous les pouvoirs. 

Beaucoup sont hantés par ce dont ils ont hérité. 

Nombre de vies paient de lourds impôts sur les revenants.

Le rêve anime la révolte contre la tyrannie des apparences. 


Percevoir c’est déjà interpréter. 

Le sens de la vie c’est l’association. 

La liberté est un concept aliénant dans la mesure où il fixe de manière abstraite ce processus dynamique et concret qu'est la libération. 

Un penseur qui attend la reconnaissance d’un monde en décomposition ressemble à un charognard qui attend d’un cadavre sa perpétuation. 

Intégrer en soi toutes les couleurs du spectre de la conscience, c’est réconcilier Freud et Bouddha. C'est associer « Là où est le ça, le Je doit advenir » (Freud) et « Là où est le Je, le Soi doit advenir» (Bouddha). 

Quand l’épistémologie définit les règles de la connaissance et l’éthique, celles de la reconnaissance, l’esthétique introduit l’exception visionnaire qui subvertit ces règles pour en inventer de nouvelles. 

La guerre du goût se fait à coup de canons esthétiques. 

Tout auteur est la mère porteuse d’une œuvre née de l’union entre son âme et son esprit. 

Le degré d’évolution d’un être humain se mesure à la conscience qu’il a de sa responsabilité envers les siens et l’humanité, la planète et le Kosmos. 

Celui qui va à la chasse perd sa place d’être humain, à moins qu’il n’en ait besoin pour subsister. Le degré d’évolution d’une civilisation se mesure aussi à la place qu’elle accorde à la vie animale. 

Si certaines vérités sont bonnes à dire, d’autres sont à contredire quand elles deviennent bonnes à tout faire au service de l'illusion. 

Si le pouvoir attire autant les médiocres et les malades c’est que, faute de se gouverner soi-même, on cherche à compenser son impuissance en gouvernant les autres. 

Donner des limites c’est toujours proposer une forme. 

L’étrangeté est le sentiment d’une modernité où l’on se sent en exil, étranger à soi-même et au monde. La plénitude est le sentiment de la cosmodernité où l’on se sent en évolution, intégré au milieu et au Kosmos. 

Ne pas confondre l’immuable et l’inerte. Le premier est le moteur spirituel de l’évolution. Le second en est le frein matériel. 

Le Dieu de la bête est son Troupeau. Le prophète de ce Dieu est un berger : le Conformisme. 

C’est la solitude qui effraie le plus la bête qui est en nous : le conformisme est son meilleur gardien qui nous pousse à épouser les délires du troupeau, fussent-ils suicidaires.