dimanche 15 août 2010

Evolutions (4) Une mutation collective ?

La longue marche de l'espèce humaine. Patrice Van Erseel
(Texte de présentation du site Du Pithécanthrope au Karatéka)

Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Comment nos descendants vont-ils évoluer ? Comment l’humanité s’inscrit-elle dans les processus de l’évolution naturelle ? Et surtout, pouvons-nous faire en sorte que les activités humaines cessent de blesser la biosphère, mais se mettent au contraire en résonance harmonieuse avec elle ? D’une certaine façon, toutes ces questions sont liées. Pour une raison notamment, qu’exprime la formule suivante : « Toute innovation décisive est totalement imprévisible, mais récapitule et mémorise les processus qui ont conduit jusqu’à elle. »

Tout est parti pour moi d’une donnée dentaire, ou orthodontique : depuis quelques décennies, les dentitions de tous les petits humains sont entrées en turbulence. Tout se passe comme si les nouveaux humains avaient « trop de dents » et que s’amorçait un rétrécissement de nos mâchoires. Or, cela pourrait (utilisons le conditionnel) correspondre à la réitération d’un phénomène qui s’est déjà produit cinq ou six fois, en soixante millions d’années, dans la lignée des primates, dont nous, Homo sapiens sapiens (ou Homo sapiens démens, comme dit Edgar Morin), sommes le dernier avatar.
Le rétrécissement de la mâchoire correspond à un ensemble de transformations : verticalisation de la colonne en double S, ouverture du bassin et de la poitrine, élévation du front, développement du cerveau, prématurité croissante des nouveaux-nés… et accentuation de l’influence culturelle.

Question : l’être humain est-il entré dans une phase de mutation de grande importance ?

Je ne me rendais pas compte, en me lançant dans cette enquête, au début des années 1990, à quel point elle m’entraînerait sur des terrains glissants, voire mouvants, sujets à polémiques innombrables, où les passions s’enflamment, parfois jusqu’à rendre aveugle. Parler des origines de la vie, et plus encore des origines de l’humanité, et de la façon dont l’évolution se poursuit en nous, ne peut apparemment pas se faire sans qu’idéologies et croyances s’en mêlent. Certes, il en va de même de tout discours sur le monde et il serait naïf de s’imaginer que l’on puisse parler de façon à 100 % objective de quoi que ce soit. Même les sciences les plus exactes reposent, en fin de compte, sur des croyances.
Cela dit, quand il est question de l’hominisation, le phénomène s’accentue dans des proportions inouïes. Écrire ce livre m’a pris beaucoup de temps – une bonne quinzaine d’années – trois ou quatre fois plus que pour la moyenne de mes livres. Pour deux raisons au moins… qui explique aussi pourquoi j’ai éprouvé le besoin d’ouvrir ce site en même temps que paraissait ce livre :

- La première raison est que, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, les découvertes scientifiques s’accélèrent. A peine a-t-on fini d’écrire un chapitre qu’il faudrait déjà le corriger et reporter la publication à plus tard. Ce site tâchera donc de donner, sinon de nouvelles informations sur les différents chapitres, du moins des liens vers elles ;

- La seconde raison est que, depuis les années 1990, la question évolutionniste s’est (re)mise à provoquer une véritable guerre idéologique – généralement résumée dans les médias par la formule « Dieu contre Darwin ». Vision manichéenne, où Créationnistes bibliques et Évolutionnistes néodarwiniens sont censés représenter une alternative obligatoire : vous êtes sommé de vous ranger dans l’un ou l’autre de ces deux camps. Refuser cette bipolarisation peut vous mettre en danger. Un peu comme au temps où vous n’aviez qu’un choix : opter pour le stalinisme, ou le fascisme. Si vous refusiez l’un des camps, ses partisans vous rangeaient automatiquement dans l’autre. Le forum de ce site sera donc ouvert aux points de vue (raisonnables) de ses visiteurs sur cette question.

Les Créationnistes sont le plus souvent de pauvres archaïques demeurés en enfance. Les autres, plus rusés, tentent de faire passer en contrebande une vision religieuse du monde au sein même de la science. Mais en face, les Évolutionnistes néodarwiniens prennent volontiers prétexte de ces anachronismes pour décréter l’état d’urgence : afin de sauver la modernité, il faudrait accepter un putsch métaphysique et se voir imposer comme seule légitime la vision matérialiste du monde. Comme si la science, servante merveilleuse mais qui a tendance à se prendre pour le maître, tenait l’alpha et l’oméga, la clé des origines et des fins dernières, les tenants et aboutissants des essences et des existences !

Heureusement, sur le terrain, l’immense majorité des chercheurs ne se laisse pas piéger par ces jeux partisans : ce sont les médias, toujours à la recherche d’une simplification spectaculaire, qui les gonflent à l’envi. La réalité est immense, diverse et chatoyante. Ainsi en va-t-il des regards que nous posons sur elle. Nous savons de plus en plus de choses fascinantes sur le monde, et c’est merveilleux. Mais sur le fond du fond, nous ne savons rien. Le fond du fond échappe au savoir. Tout au plus peut-on le ressentir, le deviner, ou tenter de l’exprimer sous forme d’un mythe vivant. D’une œuvre d’art. D’une jubilation. D’un acte d’amour.


Du Pithécanthrope au Karatéka : Extrait du chapitre 14

Vers quelle mutation collective nous dirigeons-nous ?

Les rescapés ayant vécu une NDE sont aujourd’hui, au bas mot, des dizaines de millions dans le monde. Or, dans des scénarios très divers, la plupart ont changé de façon radicale. Ils rapportent notamment de leur expérience une « revue de vie », où toute leur existence leur est revenue en mémoire (jusqu’à la couleur de leurs premières barboteuses), ce qui leur a donné la sensation d’être, jusque-là, passés à côté de l’essentiel, à deux niveaux au moins :

1°) Tout ce qu’ils se sont rappelés de leur existence leur a fait revivre les effets de leurs pensées et de leurs gestes tels qu’ils les avaient vécus la première fois, mais aussi en ressentant les effets qu’ils avaient eus sur autrui – ce qui a enrichi leur conscience d’une compréhension nouvelle, les ouvrant au pardon et à la compassion. « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse » est devenu pour eux une devise très concrète.

2°) La plupart des « grands moments » de leur existence passée (dans la colonne des honneurs comme dans celle des hontes) leur ont soudain semblé sans intérêt, déterminés pour l’essentiel par des facteurs dont ils n’étaient pas responsables ; alors que les seules possibilités de vraie liberté, et donc de responsabilité, se trouvaient nichées dans des détails auxquels, sur le coup, ils n’avaient guère prêté attention. D’où une attitude désormais beaucoup plus vigilante à la présence de chaque instant – et moins d’importance accordée à l’apparat, aux rôles, aux stratégies, à la pression sociale…

Si leur entourage ne les soumet pas à une pression trop inhumaine (prise pour un délire, la NDE peut conduire une personne sensible à se refermer, voire à se retrouver en hôpital psychiatrique, alors qu’elle ne souffre d’aucune psychopathologie – d’où l’importance d’une formation des milieux hospitaliers), la vie de ces gens se métamorphose, poussés qu’ils sont par un désir irrépressible de mettre leurs actes en accord avec les motivations profondes dont ils ont pris conscience.

Pour Kenneth Ring, le professeur de psycho-sociologie de l’Université de Storrs (Connecticut) qui a fondé IANDS (International Association for Near Death Studies), le réseau qui fédère tous les chercheurs travaillant sur la NDE, et pour les membres des différentes antennes IANDS (qui se sont constituées à la fin des années 1980, en Angleterre avec le Dr David Lorimer, en Belgique avec le Dr Marie Haumont, en France avec les anthropologues Evelyne-Sarah Mercier et Louis-Vincent Thomas, puis en Hollande, en Allemagne, en Italie…), ces différentes données ouvrent sans conteste la voie à une nouvelle éthique. Dans En route vers Omega, Ring n’hésite pas à parler d’une « mutation noétique d’Homo sapiens »...

Certaines personnes ayant vécu cette expérience voient s’éveiller en elles toutes sortes de talents nouveaux : curiosité intellectuelle ou artistique (dans Musicophilia, le psychiatre Oliver Sacks cite le cas d’un médecin qui change de métier et devient pianiste après une NDE), mais aussi intuition beaucoup plus grande, don de guérison, don de voyance, de télépathie... Des qualités dont plusieurs grands yogis, consultés par les chercheurs d’IANDS, disent reconnaître les caractéristiques de ce qu’en Inde on appelle l’« éveil de la conscience cosmique », ou le « grand éveil de la kundalini », la fameuse illumination que tous les chercheurs mystiques du monde souhaitent, depuis des millénaires, parfois sans l’atteindre malgré une vie entière d’efforts, de sacrifices ou de méditation.

Kenneth Ring et beaucoup de ses collègues médecins, les Américains Bruce Greyson, Stanislas Grof, Michael Sabom ou Raymond Moody, le Britannique Sam Parnia, le Hollandais Pim Van Lommel, les Français Jean-Pierre Jourdain et Jean-Jaques Charbonnier, etc., ont tendance à penser qu’il s’agit d’un phénomène évolutif global. Ring va jusqu’à parler de « NDE collective ». C’est une vision impressionnante : il faudrait que l’humanité frôle – et risque – sa propre disparition, pour pouvoir enfin, soit s’éliminer, soit s’éveiller à une conscience collective qui la hisse à la hauteur de ses propres exigences au regard de la situation nouvelle, sur le plan de l’écologie, de la démocratie, de la solidarité, etc.

Précisons que certains rescapés rapportent, parallèlement à leurs récits d’extase, des visions dantesques d’humanité en perdition... Comme si une fresque apocalyptique, au double sens de « bouleversement total » et de « révélation », émergeait en ce moment, de façon spontanée, de l’inconscient collectif humain.

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